Chapitre 26,5 : Juliana et Martin

Ce chapitre se passe avant le chapitre 27 intitulé “Lendemain de veille”. Bonne lecture!

Juliana fut surprise quand Martin, le cousin de Cassie, lui offrit de dormir dans sa chambre, le soir où Cassandra dut tous les garder à coucher chez elle en raison d’une profusion d’alcool consommé sans modération. Elle était certes un peu intimidée, mais excitée aussi. Et un peu pompette, mais juste assez pour ne plus détourner les yeux chaque fois que Martin croisait son regard.
Malgré sa grandeur impressionnante, il était mignon, avec sa coupe un peu gothique et ses nombreux piercings.
C’était probablement la raison pour laquelle ses frères tournèrent tous les trois la tête vers eux devant cette proposition qu’ils devaient considérer comme aberrante. Ils voyaient bien que le jeune homme lui plaisait et que ça semblait réciproque. D’ailleurs si les regards avaient pu tuer… Toni irait certainement en prison.
— Euh… je voulais dire sans que j’y sois, précisa immédiatement Martin sous leur regard brûlant de contrariété fraternelle. Je dormirai très bien dans la baignoire.
Juliana roula des yeux et croisa les bras pour toiser sa fratrie surprotectrice. Elle en avait marre de leur comportement à la con!
— Oh, c’est bon, les gars, j’ai 21 ans, pas 12. Pour la peine, non seulement je dormirai dans sa chambre, mais en plus on se partagera le lit. C’est un lit double, y’a amplement la place, pas vrai, Cassie?
La jeune femme cligna des yeux à répétition avant de hocher la tête en silence.
— Bon, alors voilà! C’est réglé!
— Je pense que tu devrais dormir avec Tobia et Luca, suggéra Antonio avec fermeté.
Bien entendu, lui il était sobre, il ne restait pas ici par obligation et il était en mesure de la faire suer royalement. D’un autre côté, il lui proposait une option pas très réaliste, et Juliana s’empressa de le lui faire remarquer.
— Et embrasser le plancher au beau milieu de la nuit? Non merci!
Pendant la nuit, Luca avait tendance à pratiquer les arts martiaux. Certaines nuits il se prenait pour un koala et s’accrochait à la première chose (ou personne) qu’il rencontrait. Mieux valait que ce soit Tobia.
Se tournant vers Martin, rendue plus courageuse par ses verres de vin et par son instinct de petite sœur rebelle, elle lui prit la main pour l’entraîner avec elle :
— Tu viens? Je meurs d’envie de voir ton travail! Cassie m’en a dit beaucoup de bien.
Sans se soucier du regard assassin de Toni, de l’exclamation incrédule de Luca et du rire de Tobia, enfin moins qu’elle aurait pu, elle entra dans la chambre et ferma la porte derrière son propriétaire. Ce dernier avait l’air sur le point de déchanter. Il avait le teint un poil livide.
— Ça a été un plaisir de te rencontrer, Juliana.
L’Italienne éclata de rire en s’asseyant sur le lit en tailleur. Elle se sentait si bien après un coup pareil!
— Oh arrête, ils jouent les grands frères protecteurs, mais ils peuvent pas vraiment te tuer, vu que t’es le cousin de Cassie et presque comme son frère. Ils pourraient pas lui faire autant de peine.
— C’est… rassurant…? déclara Martin avec perplexité.
La porte derrière lui s’ouvrit en le bousculant. La tête d’un Rivoli apparut.
— Quelqu’un a parlé de moi?
— Tobia! s’exclama Juliana en se levant en trombe pour lui sortir la tête de la chambre. Laisse-nous tranquilles! À moins que tu t’appelles Cassie, t’as aucune raison d’avoir entendu ton prénom!
Martin s’éloigna de l’entrée de la pièce pour aller s’affairer au bureau, et Juliana referma la porte avec un soupir.
— Tu sais, commença le grand échalas, ça ne me dérange pas de laisser ouvert. Je n’ai rien à cacher, et si ça peut les rassurer…
Trois petits coups à la porte firent soupirer Juliana une nouvelle fois.
— Mais vous avez fini, oui?! C’est pas un tueur en série, je vous signale!
— Ju, c’est moi.
L’Italienne s’adoucit en reconnaissant la voix de sa meilleure amie. Elle savait que ses frères étaient lourds, mais ce genre de comportement ne ressemblait pas à Cassie, ce que cette dernière lui confirma.
— Je voulais juste t’apporter un nouvel oreiller. Il n’y en a qu’un dans la chambre.
Haussant un sourcil, Juliana interrogea Martin, qui hocha la tête, confirmant les dires de sa cousine.
— Ok.
Cassandra lui confia l’objet en question et fit un sourire mutin avant de retourner d’où elle venait. Elle referma derrière elle, et Juliana put souffler. Cette dernière se laissa glisser contre la porte, câlinant l’oreiller moelleux et s’appuyant la tête dessus.
Au bout d’un instant, voyant que Martin avait installé son ordinateur pour lui montrer ses dessins, elle se leva et alla s’asseoir à ses côtés, lançant au passage l’oreiller derrière eux contre la tête de lit. En se replaçant — elle était presque collée à lui en raison du matelas un peu bancal —, elle fit tomber un carnet à esquisse et jura.
Alors que Martin se penchait pour ramasser l’objet délictueux, la tête d’un autre Rivoli passa la porte.
— Ça va ici?!
— Ok, la première fois, c’était drôle, mais là, ce ne l’est carrément plus, ronchonna Juliana. Dis à Antonio qu’il vienne confirmer que j’ai bien encore tous mes vêtements, qu’on en finisse.
— Laisse la porte ouverte, Ju, conseilla Luca en italien, non sans jeter un regard en biais à Martin. C’est pas pour toi qu’on s’inquiète, mais pour lui.
Sur ces paroles, il disparut d’où il était venu. Il exagérait, quand même! Comme si elle était complètement obsédée… Et puis elle ne pourrait rien lui faire qu’il ne désirerait pas, vu leur différence de taille. Bon, Martin n’avait rien d’un athlète, mais il avait de longs membres. S’il décidait de la retenir à bout de bras pour éviter qu’elle le bouffe, elle battrait l’air comme dans les dessins animés… et elle ne pensait même pas à ce que ça donnerait si elle essayait quoi que ce soit en station debout! Enfin elle faisait presque deux têtes de moins que lui!
Voyons! Ça n’avait aucun sens!
La jeune femme ne pouvait s’empêcher de zieuter la porte ouverte, insultée par cette dernière interruption.
— Tu veux que j’aille leur parler? demanda Martin en remarquant ses diverses tentatives pour trouer la porte avec les lasers qu’elle imaginait à la place de ses yeux.
L’offre la surprit, mais elle secoua la tête. Vaincue pour cette fois, elle reporta son attention sur l’écran de son ordinateur. Elle tomba tout de suite amoureuse de son style graphique et des couleurs vives qu’il aimait employer. Elle lui demanda de lui faire quelques démonstrations à l’aide de son stylet et lui posa tant de questions qu’elle eut peur de l’embêter.
Martin, en homme patient que Cassie avait toujours dépeint, répondait à toutes ses interrogations sans montrer une ombre d’agacement. De temps en temps il triturait l’un de ses nombreux piercings.
— Pour quelle raison te fais-tu percer?
La question était sortie toute seule, et le jeune homme parut embêté un moment. Il se gratta la tête et haussa une épaule. D’accord. En fait son absence de réponse était à prévoir. Changement de tactique.
— C’est vrai que c’est une drogue?
Sourire en coin qui la fit se sentir un peu bizarre. Ou peut-être que c’était le vin?
— Une amie m’a dit que c’était comme ça pour elle, continua Juliana. Que chaque fois elle se disait qu’elle en avait assez, puis qu’elle finissait toujours par aller s’en faire faire un nouveau.
— Pour plusieurs c’est comme ça. Pour moi aussi, j’imagine. Mon dernier remonte au mois passé.
Du doigt, il désigna le bijou qui pendait de son nez, une espèce de fer à cheval terminé par deux pointes vers le bas.
— C’est un septum.
— C’était quoi ton premier?
— Un hélix, dit-il en lui montrant un anneau fiché dans le cartilage de son oreille.
— Ils ont tous un nom? demanda-t-elle, curieuse.
En fait, elle aimait l’entendre parler. Elle prendrait tout ce qu’il lui donnerait, le beau gothique.
Hochant d’abord la tête, Martin lui énonça chacun des piercings de son visage et de ses oreilles : deux tiges bananes au sourcil, un industriel et trois hélix à ses oreilles, sans oublier les deux paires d’écarteurs à ses lobes, le septum de son nez, la « morsure de dauphin » au centre de sa lèvre inférieure (deux anneaux séparés par un demi-centimètre) ainsi que le venom de sa langue. Ce dernier était composé de deux tiges parallèles traversant à la verticale le muscle lingual et se terminant par deux billes d’acier.
Juliana avait toujours eu une certaine fascination pour les piercings. Elle avait tout de suite trouvé Martin très intrigant et, avec son tempérament, elle le trouvait encore plus craquant.
Sans oublier qu’il parlait d’une voix douce et, sans être réellement timide, il semblait d’un naturel introverti qui attirait Juliana comme la lumière attire les papillons de nuit. Pour elle qui vivait avec trois frères turbulents, le calme qui suintait de chacun des piercings de Martin était rafraîchissant… exotique.
— Quand as-tu fait faire le premier?
Au bout d’un court instant à mordiller les anneaux de sa lèvre inférieure, il répondit :
— Je devais avoir dix-sept ou dix-huit ans. Cassie et moi, on venait de se disputer. C’était un coup de tête, en fait. Je suis entré dans un salon de tatouage qui pratiquait le piercing, j’ai pointé un truc… et je suis ressorti avec un anneau dans l’oreille. Ma mère était furieuse.
Juliana hocha la tête et baissa le ton.
— La mienne n’était pas très contente en voyant qu’Antonio s’était fait percer la langue… il n’a jamais voulu le confirmer, mais je crois qu’il l’a fait juste après la rupture avec son ex, pour se distinguer de Luca et de Tobia.
Martin ne semblait pas totalement en désaccord avec son hypothèse. Il ajouta même :
— Possible qu’il ait ressenti le besoin de vivre autre chose à ce moment-là. Je me souviens… mes premiers piercings, je les ai faits pour avoir mal. J’étais incapable d’aider Cassandra, qui s’éloignait de plus en plus de moi… J’allais au salon dès que je le pouvais, pour ne plus penser à cette impuissance… Je passais plusieurs jours à avoir mal, voire plusieurs semaines, et ça m’empêchait de m’imaginer ce que devait vivre Cassie.
Juliana fut prise de court par cet aveu. Elle ne savait pas quoi répondre à tant de sincérité de la part d’un presque inconnu. Bien entendu, elle connaissait quelques renseignements sur Martin, dont Cassie parlait régulièrement depuis leur rencontre, mais sinon…
— J’ai envie de t’embrasser.
Cette fois, c’était totalement délibéré, même si l’alcool devait forcément avoir rabattu quelques barrières qui autrement l’aurait empêchée de déclarer une chose pareille. Martin cligna des yeux à quelques reprises.
— Je suis curieuse de savoir ce que ça fait d’embrasser un gars avec un piercing à la lèvre.
— Euh, Juliana… je ne crois pas que…
— T’es sérieux, t’as vraiment peur de mes frères?
Dans le salon, les lumières étaient fermées, tout comme dans la chambre de Cassie. Il y avait un moment que tout le monde était couché. Martin murmura sa réponse.
— Je n’ai pas honte de dire que oui. S’ils découvrent que…
— Si tu ne leur dis pas, je ne dirai rien… le coupa-t-elle brusquement. Allez, juste un baiser. Je ne te demande pas de participer, juste de me laisser faire. Pour apaiser ma curiosité.
Le silence se fit pesant. Martin mordilla ses anneaux.
— Tu te rends compte de ce que tu me demandes?
L’Italienne le fixa sans un mot pendant un moment, puis hocha la tête. Elle imaginait ce que ça devait être de l’embrasser depuis qu’elle l’avait vu. Elle s’apprêtait à argumenter de nouveau quand Martin se prononça.
— D’accord.
Ça avait été plus facile qu’elle l’aurait cru, en fait!
Sans cacher son enthousiasme, Juliana se redressa sur ses genoux pour être à la même hauteur que le jeune homme et, après une courte hésitation, elle apposa doucement ses lèvres sur les siennes. Elle fut surprise de la froideur du métal contre sa peau, mais la sensation était agréablement étonnante. Elle passa les bras autour du cou de Martin, qui se recula juste assez pour que seuls leurs nez se touchent.
Souriant en coin, il demanda :
— Tant qu’à y être, tu veux essayer le venom?

Note de l’auteure : Martin est un petit coquin.

2 commentaires

    • Bonne question! Je n’exlus pas l’idée de faire un roman du point de vue de Juliana, mais vous aurez l’occasion de la voir avec Martin dans les prochains tomes aussi 😊

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